Gig Economy Project – « Nous luttons toujours contre Macron, mais maintenant au niveau européen » : Entretien avec Edouard Bernasse du Collectif des livreurs de plateformes autonomes (CLAP)

The Gig Economy Project s’entretient avec Edouard Bernasse du Collectif des Livreurs Autonomes de Plateformes (CLAP) sur la gig economy en France, la nouvelle loi Macron sur le “dialogue social” des travailleurs des plates-formes et bien plus encore.

Cette interview a été réalisée en anglais. You can read/listen to the English version here.

Photo de la page Facebook du CLAP


The Gig Economy Project, led by Ben Wray, was initiated by BRAVE NEW EUROPE enabling us to provide analysis, updates, ideas, and reports from all across Europe on the Gig Economy. If you have information or ideas to share, please contact Ben on GEP@Braveneweurope.com.

This series of articles concerning the Gig Economy in the EU is made possible thanks to the generous support of the Andrew Wainwright Reform Trust.



La FRANCE a été le cœur battant de bon nombre des grands conflits du travail du passé, et elle est désormais au centre du débat sur l’avenir du travail dans l’économie numérique européenne.

La semaine dernière, le Parlement français a adopté une «loi sur le dialogue social», qui, selon le gouvernement du président Emmanuel Macron, fournira une base aux travailleurs “indépendants” pour négocier avec les plateformes et de livraison de nourriture et de VTC (Véhicule de tourisme avec chauffeur) pour lesquelles ils travaillent. Les opposants de gauche ont décrit la loi comme “l’institutionnalisation de l’ubérisation”.

Pendant ce temps, Macron vient d’assumer la présidence tournante du Conseil de l’UE alors qu’il examine la “directive sur le travail sur les plateformes” de la Commission européenne, qui propose une présomption d’emploi pour les travailleurs des plateformes. Macron – largement considéré comme un allié des plateformes numériques – pourrait user de son influence sur le conseil pour amender la directive.

Enfin, les élections présidentielles françaises ne sont que dans quelques mois, ce qui pourrait avoir un impact important sur ce qui se passera ensuite dans l’économie de plateformel’économie des concerts en France.

Edouard Bernasse est co-fondateur et secrétaire général du Collectif des Livreurs autonomes de Plateformes (CLAP) à Paris.

Dans ce podcast, nous abordons :

1’49” : Pourquoi le CLAP ?

9’28” : La forme du secteur de la livraison de repas en France

12’26” : Le statut du travailleur de plateforme en France et la loi sur le « dialogue social »

31’29” : La directive sur le travail de la plateforme européenne et le rôle de Macron au Conseil de l’UE

37’18” : Les élections présidentielles françaises et la gig economy

UNE VERSION TEXTE ABRÉGÉE DE CETTE INTERVIEW EST ÉGALEMENT DISPONIBLE CI-DESSOUS

The Gig Economy Project : Parlez-nous du CLAP : comment a-t-il démarré ? Comment a-t-il évolué depuis ?

Edouard Bernasse : Le CLAP est une association, nous ne sommes pas un syndicat. Nous avons commencé en 2017 et nous nous sommes organisés suite à un changement de la politique des rémunérations chez Deliveroo. Nous étions tous très, très inquiets à propos de la plateforme, car une autre plateforme en France “Take Eat Easy”, d’origine belge, avait fait faillite six mois plus tôt. Nous nous sommes organisés et nous avons pensé que ce serait formidable d’avoir une structure avec des représentants et des portes-parole devant les médias et institutions, ainsi que d’organiser des événements visant à défendre les coursiers contre ces plateformes.

Depuis cinq ans, nous avons beaucoup travaillé, beaucoup lutté contre les plateformes, qui continuent de précariser les conditions de travail. Nous continuons à dénoncer et démontrer que les livreurs ne sont pas  indépendants, mais des “salariés déguisés” car la plateforme remplit tous les critères juridiques de l’employeur.

Nous nous battons donc contre les plateformes et tous leurs alliés en France. Malheureusement [cela inclut] le gouvernement français car Emmanuel Macron est très friand du modèle économique de la gig economy.

GEP : Qu’est-ce qui vous attirait dans le fait d’être un collectif – une association – plus qu’une structure syndicale traditionnelle ?

EB : Tout d’abord, en France, il faut respecter de nombreuses conditions pour être reconnu comme syndicat. C’est dans la loi et nous ne pouvions pas répondre à ces critères de représentativité. Être une association était suffisant pour faire le travail. Mais il y a aussi une autre raison.

Une grande partie des livreurs n’avaient pas de culture syndicale et ne pensaient pas pouvoir bénéficier d’une aide syndicale en tant que travailleur indépendant, en tant que micro-entreprise régie par le droit commercial. Coté organisation, face à des “travailleurs indépendants”, ses structures étaient un peu perdues, car elles défendent traditionnellement les salariés et les conditions de travail telles que définies et régies par le droit du travail. Ils ont donc mis du temps à s’intéresser aux travailleurs de la plateforme et à comprendre les enjeux soulevés par le capitalisme de plateformes. Nous avons été quelques-uns au CLAP, les premiers, à nous organiser et nous avons pu constater sur le terrain que les livreurs n’avaient pas non plus une très bonne opinion des syndicats. Beaucoup de livreurs sont jeunes et perçoivent aussi les organisations syndicales comme “à l’ancienne”. D’ailleurs, certains d’entre eux nous ont expliqué que leurs parents avaient été syndiqués par le passé mais finalement déçus par les syndicats qu’ils jugeaient davantage comme des organisations politiques que professionnelles. Certains des livreurs nous ont aussi raconté qu’en tant que travailleur indépendants, ils voulaient être autonomes dans leur façon de travailler mais aussi dans leur façon de défendre leur professions. C’est donc une sorte de mélange de tous ces éléments.

GEP : Pouvez-vous nous parler un peu du secteur de la livraison alimentaire en France ? Quelles sont les conditions de travail et quelle a été l’expérience de la pandémie pour les coursiers ?

EB : Il y a deux catégories de plateformes en France aujourd’hui. D’un côté, celles que tout le monde connaît dorénavant : Deliveroo, Frichti – une plateforme française qui recrutait principalement des sans-papiers, [Frichti est sur le point d’être rachetés par Gorillas [une entreprise allemande]. De l’autre, les nouvelles plateformes où les livreurs sont désormais réellement employés : Gorillas, Flink, Getir… Au sein de ces dernières, les conditions de travail sont loin d’être idéales car ce n’est que le début de l’histoire pour elles. Vous avez ainsi deux branches – les plateformes d’employés et les plates-formes de travailleurs [faussement] indépendants.

Sans réelles régulations des pouvoirs publics, les plateformes sont très peu contraintes. Dès lors, elles peuvent organiser comme elles veulent les éléments essentiels de la relation de travail, surtout la rémunération. Si elles considèrent cue nous leur coûtons trop chers, elles baissent la rémunération. Ainsi, les conditions de travail se précarisent très vite chez Uber Eats, Deliveroo et autres. Il n’y a pas de volonté gouvernementale pour les arrêter et les obliger à respecter la loi sociale. Il faut encore passer par la justice. C’est donc un combat que nous continuons de mener en première ligne.

GEP : Pouvez-vous nous parler un peu du statut de « micro-entrepreneur » en France ? Il y a également eu un débat sur le changement de statut des travailleurs de plateformes ; il y a eu le rapport Frouin commandé par Macron, lui-même  également impliqué dans ce qu’il a appelé la loi sur le “dialogue social” avec les travailleurs des plateformes.

EB : Un micro-entrepreneur [pas un statut mais en fait un simple -régime- fiscal] est un travailleur indépendant, qui a signé un contrat commercial et non un contrat de travail.  En théorie, il travaille pour lui, avec ses outils, ses méthodes. Il cherche ses clients et  peut négocier ses conditions de travail et son prix. Il doit aussi assurer sa propre protection sociale.

En France, pour le travailleur cela coûte plus cher d’être indépendant que salarié parce que ce statut est très faible en termes de protection sociale. Les micro-entrepreneurs doivent se protéger avec des assurances très chères, ils doivent penser à leur propre retraite, chômage, assurances maladie etc. Des choses qui, pour un salarié, sont habituellement pris en charge par l’entreprise employeur. Ce régime micro-entrepreneur est fait pour des personnes qui ont des fortes expériences ou compétences ainsi qu’un solide réseau et qui finissent par choisir de travailler pour elles-mêmes, de suivre un projet professionnel entrepreneurial. Ce que ne sont pas les travailleurs des plateformes pour qui le projet est très souvent de survivre.

Ce régime est cependant exigé par les plateformes. Vous ne pouvez pas travailler chez Uber Eat, Deliveroo, Stuart, ou Glovo si vous n’avez pas ce statut. Vous avez parlé de la situation de la pandémie et c’est vrai qu’on a vu beaucoup de nouveaux micro-entrepreneurs après cette crise sanitaire. Macron en était très fier. Mais quand on regarde les chiffres, d’accord il y a beaucoup de nouveaux travailleurs indépendants c’est à dire de “création d’entreprise”, mais nombre d’entre eux travaillent dans le secteur du transport et de la livraison de nourriture. 995.900 nouvelles entreprises ont été créées, dont 641.500 micro-entreprises. Cette augmentation du nombre de micro-entreprise se constate dans le secteur de transport et entreposage, qui représente 13% du total des entreprises créées. 

Au sein de ce secteur, plus de 4/5 nouvelles entreprises  (83%) relèvent de la livraison à domicile, c’est ce que détaille l’Institut national de la statistique. La catégorie «autres activités de poste et de courrier» qui comprend pour l’essentiel ces services de livraisons, a vu les créations passer de «22.200 en 2017 à plus de 100.000 en 2021», relève aussi l’étude. Les livraisons à domicile, en liaison avec les achats en ligne, ont notamment profité des périodes de confinement durant la pandémie de Covid-19.

Sauf que ce n’est pas une raison d’être fier puisque ces nouvelles entreprises,les travailleurs des plateformes, n’améliorent pas l’économie. Elles ne créent aucune richesse puisqu’elles ne sont pas maîtres de leur destin. Elles ne crééent pas de nouvelles activités, de nouveaux emplois etc. Bien au contraire.

Pour ce qui est du “rapport Frouin”, M. Frouin est un ancien juge de la la Cour de cassation, la plus haute juridiction française. On peut ainsi dire qu’il a de solides connaissances juridiques. Edouard Phillipe, premier ministre français de l’époque, lui avait demandé un rapport sur le statut des travailleurs de la gig economy. Dans le même temps, il a demandé à M. Frouin de “NE PAS envisager le statut de salarié”. Pourtant M. Frouin écrivait tout de même en introduction de son rapport que “compte tenu des conditions d’exercice de ses travailleurs, la solution la plus simple serait de les salarier”. NDT] Tenu par sa lettre de mission, il a alors essayé de trouver des solutions comme le système de portage salarial, par lequel un [intermédiaire] pourrait assumer la protection des travailleurs des plateformes. Fondamentalement, il s’agit de transférer les responsabilités des plateformes à une entreprise tierce, ce qui est encore une façon d’aider les plateformes à ne pas assumer leurs responsabilités. D’ailleurs, il faudrait que la rémunération des travailleurs soit au moins quadruplée pour que chacun y trouve un intérêt. Enfin, dans ce cadre là, le travailleur “porté” doit aussi participer au business de l’entreprise “portante”, trouver des clients et des missions. Le gouvernement a donc finalement laissé tomber. 

Maintenant, nous avons la loi pour “le dialogue social au sein des plateformes d’emploi”. Cette loi dispose que tout ce “dialogue social” est entièrement dirigé par le gouvernement, habilité par des ordonnances. Cela signifie qu’il appartient au gouvernement de décider de quoi discuter et quand en discuter. Ce n’est pas vraiment l’idée que l’on se fait du dialogue social.

Si vous regardez précisément la loi, vous pouvez voir que le revenu n’est pas un objet du dialogue social. C’est tout de même très problématique de “parler de tout”, mais pas de revenu, qui pour nous est l’essentiel. Le texte dispose que le gouvernement peut décider des thèmes obligatoires de négociations, plus tard avec une future ordonnance. Et parmi ces thèmes “les modalités de détermination des revenus des travailleurs”. Qu’est-ce ça veut dire ? D’abord que nous n’avons aucune garantie de quand on pourra aborder la rémunération puisque nous n’avons aucune date ni engagement. Ensuite que nous ne négocierons pas d’une rémunération minimale, mais bien de la façon dont nos revenus sont calculés par les plateformes. Cette subtilité est fondamentale.

Puis, cette loi créer une nouvelle autorité administrative, l’Autorité de Régulation Sociale des Plateformes,  qui a des pouvoirs très forts. Par exemple, le directeur général peut autoriser une rupture de contrat commercial d’un représentant des travailleurs. Nous en sommes très préoccupés.  D’abord parce qu’en France le droit commercial relève du juge commercial et non d’une autorité administrative. Or ici, vous avez une administration qui peut prononcer la rupture d’un contrat commercial, d’où le danger.

Nous pensons donc qu’il s’agit là d’une juridiction dédiée, spécialement aménagée par les plateformes. Un tiers-statut drapé dans le dialogue social, une vertue  que personne ne pourrait normalement contester.  Autre exemple ;  Cette nouvelle autorité peut autoriser ou non un nouvel accord de branche. Mais en France c’est déjà le rôle de l’administration du travail. Alors pourquoi ce doublon inutile ?
De même, cette autorité a la possibilité d’organiser des médiations, sorte d’arbitrages, entre les plateformes et les travailleurs. Sauf qu’il existe déjà une autorité pour ça : le médiateur des entreprises.

Dès lors, on voit bien que tout est fait pour  préserver les plateformes de toute objectivité. Hors, à qui se doit être objectif dans un conflit ? Le juge. Ainsi, nous en concluons que ce texte poursuit davantage les intérêts des plateformes que ceux des travailleurs.

Cela fait beaucoup de doutes et pas assez de garanties : on ne peut pas parler de revenu et l’autorité dispose de pouvoirs trop importants. Nous ne pensons plus qu’il s’agisse d’un dialogue social mais peut-être d’une “consultation” voire d’une salle de classe.

GEP : Qu’est-ce que le CLAP aimerait idéalement voir se produire, quelle serait votre solution préférée à la question du statut des coursiers de livraison de nourriture ?

EB : Il est très difficile d’avoir des données sur ce que veulent les livreurs car seules les plateformes possèdent ces données et on ne peut pas les vérifier. Les entreprises prétendent ainsi que : “les livreurs veulent être indépendants et non employés”.

Ce que nous disons, c’est que vous avez beau vouloir être indépendant, cela ne vous empêche pas d’être subordonnés dans les faits. Ce n’est pas à vous de le dire, ni aux plateformes, ni aux politiques. C’est à la loi donc seulement au juge de le vérifier. C’est son rôle de vérifier si de nombreux critères sont remplis. 

Ce que nous disons, c’est que quel que soit votre contrat, vous devez le respecter, c’est une chose fondamentale. Nous avons des contrats d’indépendants mais nous ne pouvons rien faire par nous-mêmes car nous sommes subordonnés. En fait, nous sommes des employés. Et si nous le sommes, nous revendiquons d’avoir droit au salaire minimum, aux protections sociales, aux retraites, etc. Parce qu’actuellement nous n’avons pas tout cela. Nous avons l’inconvénient des deux statuts : du statut de micro-entrepreneur et du statut de salarié. On est contrôlé par la plateforme – c’est l’inconvénient d’être salarié – et on est très mal protégé socialement, c’est l’inconvénient d’être entrepreneur. 

Ainsi, à notre avis, si vous voulez avoir des conditions de travail décentes, cela signifie respecter, soit le contrat de travail, soit le contrat d’indépendant. Dans un cas, avoir une rémunération minimale et toute la protection sociale, dans l’autre, négocier nous-mêmes nos tarifs, développer notre réseau de clients etc.
Nous pensons que pour avoir de meilleures conditions de travail, il faudrait que la loi prévoit une salaire minimum obligatoire à partir duquel négocier entre les parties.

Ainsi, avec un véritable dialogue social – vous pourriez négocier vos revenus à partir de ce minimum légal. Le reste dépend ensuite des négociations : heures de nuit, jours fériés, distances, temps de connexion, travail le week-end etc. Cela formerait un contrat ou accord global mais qui cette fois obligerait les travailleurs et les plateformes. Pour le moment seuls les travailleurs sont contraints par les plateformes. Nous aurions ainsi la sécurité du salaire minimum dans la loi, sécurité forte, qui nous servirait ensuite pour définir le reste de la rémunération. L’idée est toujours qu’un travailleur, quel qu’il soit, est suffisamment protégé dès lors qu’il est décemment rémunéré.

GEP : Je suppose que vous avez vu les propositions de la Commission européenne pour la directive sur les plateformes de travail ? Emmanuel Macron va être président du Conseil de l’UE pour les six prochains mois, et les propositions de la directive vont être potentiellement amendées par le Conseil de l’UE et le Parlement européen. S’ils sont adoptés, ils deviendront la loi dans tous les États membres, y compris la France. Que pensez-vous alors de la directive et pensez-vous qu’il y a un risque qu’avec Macron ayant cepouvoir au Conseil, la directive puisse être aggravée ?

EB : C’est une très bonne directive. La Commission européenne a entendu les décisions des plus hautes juridictions judiciaires dans de nombreux pays à travers l’Europe. C’est une bonne nouvelle pour les travailleurs de la plateforme. C’est une bonne chose de présumer qu’ils sont des salariés et que c’est – à la plateforme – de prouver qu’ils ne sont pas des salariés. Les cinq critères [de statut d’emploi] sont très bons car aucune des plateformes que nous connaissons ne peut aujourd’hui prouver que ses livreurs ne sont pas salariés. Le critère le plus fort est que la plateforme détermine la politique des revenus. Je ne vois pas la plateforme changer la politique des revenus et accepter de perdre le contrôle de l’argent.

La directive va donc dans le bon sens, mais vous avez tout à fait raison de dire que Macron prendra [la direction] du Conseil de l’UE, et que c’est inquiètant car le gouvernement français est le dernier à vouloir protéger les plateformes à tout prix. Nous en avons d’ailleurs parlé tout à l’heure avec l’exemple de la loi sur le dialogue social, qui ne sert en fait qu’à gagner du temps pour les plateformes. Il est certain que le gouvernement français va essayer de modifier les critères de la directive européenne afin de les rendre moins contraignants pour les plateformes.

C’est désormais une question européenne, et plus simplement nationale. Nous espérons que les députés européens seront plus objectifs et surtout moins dogamtiques que Macron mais c’est aussi notre rôle de les alerter.

Nous restons optimistes mais aussi très conscients de l’évolution de la situation. C’est la dernière chance pour le gouvernement Macro, s’il ne peut rien faire pour modifier ou supprimer ces critères, je de préserver le modèle des plateformes. C’est notre point fort en France. Nous pensions que la directive pourrait nous protéger et changer nos conditions de travail une fois pour toutes, mais nous en sommes encore au point de lutter contre Macron – ce qui est une vieille habitude pour nous maintenant – mais désormais au niveau européen.

GEP : Pour parler un peu de la situation plus large en France : vous avez l’élection présidentielle en avril : peut-on s’attendre à ce que les travailleurs français montrent bientôt leur pouvoir et aient un impact sur la politique nationale française ?

EB : C’est une bonne question ! Je parlais d’ailleurs de dernière chance pour Macron avec l’Europe… s’il n’est pas réélu ! S’il est réélu ce sera encore 5 nouvelles années de lutte !

Il nous est évidemment impossible de deviner l’avenir, surtout maintenant parce qu’il y a beaucoup de candidats à l’élection présidentielle. Tous les candidats de gauche sont pour l’amélioration de nos droits et conditions de travail, ce qui est déjà une victoire parce que ça veut dire que tous connaissent dorénavant notre quotidien, ce qui était aussi l’une de nos missions. À droite de l’échiquier politique, on les entends moins sur le sujet. On les sent embarrassés. On sait qu’ils sont très gênés quand vient le temps de réguler la gig economy. D’un côté il y a des conséquences énormes en matière de concurrence déloyale avec d’importants acteurs économiques qu’ils défendent traditionnellement. De l’autre, il y a l’aspect de classe car c’est quand même très pratique pour eux de trouver une petite main plus vite et pour moins cher. 

Nous pensons que le véritable enjeu de cette économie va au-delà de la seule question des coursiers ou des chauffeurs et de leurs conditions de travail, bien au-delà. C’est une question d’avenir pour notre modèle de société. En France, nous avons un système solidaire de protection sociale. Nous payons beaucoup d’impôts mais c’est essentiel pour faire fonctionner nos services publics qui sont sont fondamentaux parce que accessibles à tous. Si on laisse les plateformes imposer leurs conditions de travail et le gouvernement d’adapter notre système juridique à ces entreprises – qui ne sont toujours pas viables financièrement – nous permettons que nos droits soient différents selon les travailleurs.

Par exemple, vous pouvez être employé de taxi ou chauffeur sur Uber, le même métier, dans un même secteur mais organisé différemment, mais vous n’aurez pas les mêmes droits car vous avez une loi – Un genre de tiers statut entre indépendants et salariés, qui aura fait en sorte de protéger les plateformes des réglementations. Si on laisse exister ce genre de statuts tiers, alors on rompt l’égalité entre travailleurs et on reconnaît qu’un travail à moins de valeur qu’un autre puisque les plateformes n’auraient pas à assumer des responsabilités sociales d’employeur. C’est évidemment un danger pour l’équilibre de notre modèle de société basé sur la solidarité et l’égalité. Et si nous n’avons plus cela, qu’adviendra-t-il de nos libertés ? Nous pensons que c’est très dangereux car cela signifiera à la fin que la France sera une nouvelle société américaine, où vos droits dépendent de votre portefeuille. 

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