L’Appel de Bruxelles: Proposition du Forum sur les alternatives à l’ubérisation 21-22 février 2024

Suite au quatrième forum Transnational Alternatives to Uberisation, qui a eu lieu les 21 et 22 février 2024, certaines des organisations participantes du mouvement des travailleurs des plateformes ont préparé la déclaration suivante – L’Appel de Bruxelles – pour faire avancer le mouvement à partir d’ici. Le Gig Economy Project publie cette déclaration afin que tous les travailleurs à la demande et leurs organisations puissent y accéder et envisager de lui apporter leur soutien.

You can read this statement in English here.

Puedes leer el comunicado en español aquí.

Notre engagement à lutter contre l’ubérisation est et restera inébranlable. L’émergence de nouvelles technologies d’extraction de donnée et la montée en puissance de l’économie de plateforme ont représenté un défi pour la main-d’œuvre internationale, impactant particulièrement les travailleur·euse·s qui ne s’inscrivent pas toujours dans les cadres syndicaux traditionnels : les travailleur·euse·s indépendant·e·s, ou ceux qui sont ubérisé·e·s. Malgré nos différences de langue, nous partageons des expériences communes : être à la merci des notifications d’applications sans recours, soumis au contrôle des plateformes, gagner de maigres revenus, faire face à des obstacles à la syndicalisation, et être classés comme “indépendants” simplement parce que nous possédons un téléphone portable et un vélo dans de nombreux cas. 

Notre combat est fondamental. Si le modèle l’ubérisation s’installe, il continuera à s’étendre à tous les secteurs de l’économie, comme en témoigne son incursion dans la modération de contenu, les annotateurs de données et les travailleurs du clic, ainsi que dans l’enseignement, la psychologie, les services de nettoyage et bien d’autres encore. Au cours des cinq dernières années, nous nous sommes organisés à l’échelle transnationale et avons lutté collectivement contre Uber, Glovo, Amazon, Facebook et d’autres entreprises similaires.

Notre défense va au-delà des chauffeurs et livreur·euse·s ; il s’agit d’une lutte pour tous les travailleur·euse·s dont les droits et le statut d’emploi sont menacés. Nous nous battons pour être reconnus soit comme des employé·e·s si la plateforme exerce un contrôle sur nous, comme c’est le cas actuellement, soit comme des entités totalement autonomes par rapport aux plateformes. Nous luttons contre l’externalisation frauduleuse où la responsabilité des droits des travailleurs n’est pas claire. Nous luttons contre l’exploitation des travailleur·euse·s sans papiers et demandons leur régularisation.

Nous avons fait connaître notre présence sur la scène européenne, luttant aux côtés des membres du Parlement européen, de commissaire européen à l’emploi et de leur personnel, ainsi que des représentant·e·s des États membres. Nous avons cherché de manière proactive à participer aux réunions où des décisions concernant les travailleur·euse·s sont prises, même lorsque nous n’étions pas invités. Nous avons manifesté, partagé nos points de vue et fait le trajet entre Paris et Bruxelles pour faire entendre notre voix et contrer l’influence des lobbyistes des plateformes. 

Nous refusons que les travailleur·euse·s soient traité·e·s comme des marchandises. Nous rejetons la prolifération de la surveillance et du contrôle, la violation de notre droit à la vie privée, l’érosion des protections contre les risques professionnels, physiques et psychologiques, et l’imposition de décisions algorithmiques opaques qui sapent les revenus et les perspectives d’avenir des travailleur·euse·s, entraînant une insécurité juridique, sociale et administrative. Nous rejetons la reproduction constante des préjugés discriminatoires, l’exploitation des travailleur·euse·s dans des conditions précaires, y compris l’exploitation des travailleur·euse·s marginalisés et sans papiers. 

Depuis 2019, les travailleur·euse·s de la gig economy de toute l’Europe se sont réuni·e·s à Bruxelles pour plaider en faveur de réglementations préservant le statut d’emploi et les droits des travailleur·euse·s, en s’opposant au modèle “indépendant” imposé par des entreprises telles qu’Uber et Glovo. Nous sommes également préoccupé·e·s par l’absence de réglementation sur la gestion algorithmique et la protection des données des travailleurs. Nous devons savoir comment la productivité est mesurée et ce qu’ils font avec nos données personnelles.

Malgré nos efforts incessants, les progrès ont été entravés par des négociations prolongées. Récemment, nous avons été choqués d’apprendre qu’une présomption d’emploi, dépendant des lois de chaque pays, et des mesures de transparence numérique ont été bloquées par seulement quatre pays : France, Allemagne, Grèce et Estonie, privant ainsi les travailleur·euse·s européen·e·s des droits pour lesquels nous nous sommes battus sans relâche.

Si l’opposition de certains pays était attendue, la position de l’Allemagne a été particulièrement surprenante. Nous condamnons le gouvernement du Parti social-démocrate pour s’être aligné sur des entreprises comme Glovo, Uber et Amazon, car de telles actions contredisent les principes de la social-démocratie. 

Le pouvoir étendu d’Uber et de ses lobbyistes influents, qui exercent un contrôle sur des politiciens tels que Macron et des gouvernements aux tendances néo-libérales et conservatrices, représente un danger pour la démocratie européenne, permis par les institutions européennes. Le scandale des Uber Files met en lumière l’atteinte aux valeurs démocratiques, révélée par les divulgations de l’ancien lobbyiste d’Uber Mark MacGann, qui impliquent le président français sortant, Macron, avec une impunité étonnante pour lui, d’autres hommes politiques (notamment d’extrême droite) et des entreprises. Cela ne devrait pas se produire dans une démocratie.

Ces entreprises cherchent à établir un “troisième statut” sur mesure qui leur permet d’échapper aux cotisations sociales et de saper nos systèmes de protection sociale. Cette question transcende la livraison de nourriture et le transport de passager·e·s ; elle englobe toutes les formes de travail, qu’il s’agisse de cols bleus ou de cols blancs. Ils cherchent à exploiter notre État-providence et nos droits sociaux, en propageant un modèle intrinsèquement antisyndical avec l’approbation tacite de la démocratie européenne. L’assentiment des sociaux-démocrates allemands en est particulièrement symptomatique. 

Notre détermination reste inébranlable. Nous suivrons de près la composition du prochain Parlement européen et intensifierons la pression sur lui et sur les autres institutions européennes afin d’éviter de nouveaux revers. Nous suivrons avec vigilance l’évolution des négociations relatives aux futures directives, indépendamment de la présidence ou de la composition du Parlement. 

Ce forum transnational marque une étape importante. Les travailleur·euse·s s’unissent à travers les plateformes et les continents : nous accueillons l’Union africaine des modérateur·trice·s de contenu, qui s’est efforcée de garantir la sécurité de la plateforme que les citoyen·e·s utilisent dans le monde entier. Nous saluons les annotateur·trice·s de données organisés en comités d’entreprise sur certaines des principales plateformes de travail.

La lutte pour nos droits en Europe est aussi un moyen de créer de vastes réseaux de coopération, où chaque étape franchie aura un impact positif au-delà de notre continent. Nous nous engageons à nous réunir chaque année et à coordonner des actions à travers l’Europe et le monde pour dénoncer les dangers de l’ubérisation et l’avenir du travail qu’elle laisse présager.

Les entreprises qui bafouent les droits des travailleur·euse·s et les gouvernements qui les soutiennent se heurteront à notre résistance inébranlable. Ensemble, nous continuerons à nous battre pour nos droits et nous ne céderons jamais. Aujourd’hui, nous dévoilons l’appel de Bruxelles – un collectif transnational représentant tous les travailleur·euse·s affecté·e·s par l’ubérisation ou vulnérables à celle-ci. La lutte se poursuit au niveau national, et l’unité des travailleurs assurera notre triomphe.

Signataires:

Riders x Derechos (Spain)

La Maison des Livreurs (Belgium)

Observatorio Trabajo, Algoritmo y Sociedad (Spain)

Taxi Project (Spain)

Elite taxi (Spain)

SUD Commerce (France)

Force Ouvriere (France)

Federation of Dutch Trade Unions (Netherlands)

Riders Collective (Austria)

Travailleur de Plateformes Numériques by Intersyndicale Nationale VTC (France)

Collectif des Livreurs autonomes de Plateformes (France)

Distributed AI Research Institute (DAIR) (USA)

Weizenbaum-Institute (Germany)

Digital Platform Labor Lab  (DiPLab ), Polytechnic Institute of Paris, France

Sindikat Mladi plus, a part of ZSSS (Slovenia)

Organizacja związkowa Konfederacji Pracy zrzeszająca kurierów Pyszne.pl (Poland)

Deliverance Milano (Italy)

Association la Maison des Livreurs de Bordeaux (France)

GigWatch (Sweden)

Techworker Community Africa (Kenya)

La Maison des Livreurs à Bordeaux (France) 

Lieferando Workers Collective Berlin (Germany)

English Language Students’ Union of Ireland (Ireland)

Algorace (Spain) 

RiderXiDiritti (Italy)

Correos en Lucha (Spain)

Kellys Unión Madrid (Spain)

Printemps Ecologique, Fédération de Syndicats (France)

Médecins du Monde Aquitaine (France)

CGT Riders Barcelona (Spain)

Fuerza independiente y sindical de trabajadores (Fist) (Spain)

Turizm, Eğlence ve Hizmet İşçileri Sendikası (Tourism, Leisure, and Service Workers Union) (Turkey)

Sindikat dostavljača (Platform workers’ union Serbia) (Serbia)

Alliance of Korean Platform Workers (South Korea)

PersonalData.IO (Switzerland)

Reversing Works (Europe)

Tech Workers Coalition Berlin (Germany)

Algorights (Spain)

Content Moderators Union (Kenya)

AlgorithmWatch (Germany & Switzerland)

European Alternatives (Germany)

Si votre organisation souhaite soutenir cette déclaration, envoyez un e-mail avec l’organisation, le site Web/les réseaux sociaux et le pays à contacto@ridersxderechos.org.

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