Communiqué sur la victoire d’étape des travailleurs des plateformes ce 11 mars 2024

Une déclaration des organisations participantes au mouvement des travailleurs des plateformes en réponse à l’accord sur la directive européenne sur le travail sur les plateformes le 11 mars. Si votre groupe souhaite soutenir cette déclaration, envoyez un e-mail avec l’organisation, le site Web/les réseaux sociaux et le pays à contacto@ridersxderechos.org.

You can read this statement in English here.

Puede leer esta declaración en español aquí.

Après 4 ans de combat acharné d’un activisme populaire composé de collectifs de travailleurs des plateformes et de syndicats, nous avons obtenu une victoire historique. La directive sur les travailleurs des plateformes (PWD) a été négociée dans les institutions européennes en trilogue, et a été acceptée dans l’EPESCO, contre toute attente, après le revirement inattendu de la Grèce et de l’Estonie.

La directive obligera les États membres à introduire dans leur législation nationale une présomption salariale pour les travailleurs des plates-formes, qui, dans la plupart des cas, sont considérés à tort comme des travailleurs indépendants ne bénéficiant d’aucun des droits des travailleurs. Cette présomption permettra aux travailleurs de bénéficier de droits, tels qu’un nombre maximum d’heures de travail, un salaire négocié, des congés, etc. Il sera également possible de se syndiquer et de mener des négociations collectives pour lutter tous ensemble. Il appartiendra aux entreprises de prouver que les travailleurs sont des “indépendants”, conformément aux lois de chaque pays. Jusqu’à présent, la charge de la preuve incombait aux travailleurs qui devaient démontrer leur situation de faux indépendants dans des procédures qui pouvaient prendre des années. 

La directive réglemente également la gestion algorithmique, en protégeant les travailleurs contre les décisions automatisées des plateformes et en interdisant la surveillance automatisée des travailleurs, entre autres protections numériques. Cette mesure prend tout son sens quand on connaît le scandale révélé par Tracking Exposed, dans lequel il a été démontré que Glovo espionnait ses travailleurs, même lorsqu’ils n’utilisaient pas l’application, et que l’entreprise vendait les données à des tiers sans le consentement des livreurs.

Nos organisations luttent depuis des années contre les fraudes des plateformes utilisant le modèle de “faux indépendants”. Le modèle de l’ubérisation défendu par ces lobbies multimillionnaires cherche à détruire le modèle de l’emploi et à saboter le dialogue social.

Lors du dernier forum des Alternatives à l’ubérisation qui s’est tenu à Bruxelles en février, nous avons insisté sur le fait qu’il ne s’agissait pas seulement des livreurs ou du transport de personnes. Il s’agit aussi des femmes de chambre dans les hôtels, des employés de maison, des clickworkers, des nettoyeurs, des modérateurs de contenu, mais aussi des enseignants et des psychologues. Ce modèle concerne actuellement une plus grande partie de la population active et peut potentiellement menacer n’importe quel travailleur.

Nous nous réjouissons par solidarité pour les travailleurs qui verront leurs conditions de travail s’améliorer, tout en restant critiques et prudents. Le PWD est basé sur la législation de chaque pays, ce qui ouvre la porte aux lobbies des plateformes pour influencer et changer la législation en leur faveur, comme ils l’ont déjà fait en France, comme l’a montré le scandale des “uber files”. Nous encourageons les journalistes chercheurs à nous tenir informés de la manière dont les lobbies continueront à saper nos droits et nos démocraties.

PWD ne met pas en place les mécanismes de sanction pour ceux qui ne respectent pas la loi. La Belgique et l’Espagne en sont un exemple typique. Dans ces deux pays, il existe une législation de présomption de salariat ou la transparence algorithmique, mais certaines entreprises ne respectent pas la loi en toute impunité. Cette législation n’a jusqu’à présent entraîné aucun changement dans la vie concrète des livreurs. Nous attendons maintenant des mécanismes de contrôle et d’audit du pouvoir sur ces entreprises.

Enfin et surtout, de nombreuses entreprises, notamment dans le secteur de la livraison, ont connu une croissance exponentielle en exploitant le travail de personnes en situation précaire. Ce texte ne prend pas en compte le travail effectué depuis des années par des travailleurs souvent en situation irrégulière. Nous soutenons qu’il est de la responsabilité du législateur de régulariser les travailleurs sans papiers.

Il est impératif de mettre en place des parcours de régularisation pour des personnes qui ont risqué (voire perdu) leur vie en travaillant avec l’implication des entreprises qui les ont exploité pendant des années.

Nous saluons donc la présomption salariat et la gestion algorithmique tant attendues, mais nous restons prudents quant aux prochaines étapes des entreprises en termes de législation dans chaque pays, et nous restons critiques quant à l’absence de réglementation concernant les travailleurs sans-papiers. En outre, nous attendons avec impatience de voir ce qui est considéré comme du “travail de plateforme” et si certains collectifs sont laissés pour compte, par exemple, les modérateurs de contenu ou les travailleurs des entrepôts d’Amazon.

En tant que mouvement transnational de collectifs de travailleurs, de syndicats, d’activistes et de chercheurs, nous garderons un œil sur la mise en œuvre du DTP et nous agirons (dans la rue et devant les tribunaux) contre tout contournement des entreprises à l’encontre de nos droits.

QUOI QU’IL ARRIVE, LA LUTTE CONTINUE

Signatures:

Riders x Derechos (Spain)

La Maison des Livreurs (Belgium)

Riders Collective (Austria)

Observatorio Trabajo, Algoritmo y Sociedad (Spain)

Lieferando Workers Collective Berlin (Germany)

Taxi Project (Spain)

Elite taxi (Spain)

Fuerza independiente y sindical de trabajadores (Fist) (Spain)

RiderXiDiritti (Italy)

Deliverance Milano (Italy)

Tourism, Entertainment and Service Workers’ Union (TEHIS) (Turkey)

Motor Courier Workers’ Association (MID) (Turkey)

Techworker Community Africa (Kenya)

Mladi plus (Slovenia)

DiPLab (France)

Organizacja związkowa Konfederacji Pracy zrzeszająca kurierów Pyszne.pl (Poland)

Las Kellys (Spain)

CGT Riders (Spain)

FO TPN by INV (France)

Distributed AI Research Institute (DAIR) (USA)

Weizenbaum-Institute (Germany)

Force Ouvrière TPN by INV (France)

English Language Students’ Union of Ireland (ELSU) (Ireland)

Federatie Nederlandse Vakbeweging (FNV)

Izquierda Sindical Sustriana (ISA) (Spain)

Printemps écologique – Fédération de Syndicats (France)

Content Moderators Union (Kenya)

Zentrale (Poland)

Superrr Lab (Germany)

Labor Tech Research Network (USA)

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